Zoom sur le Karst de Brison

Massif de Brison 

Analyse d’un karst couvert

par Bastien RODIER

L'Ardèche, ce territoire sauvage et mystérieux, est aujourd'hui l'une des régions françaises les plus diversifiées en terme de géologie, regorgeant de paysages variés et de secrets. On y retrouve les trois grandes familles de roches présentes sur Terre ! Le département est divisé en diagonale du sud-ouest au nord-est, avec principalement des roches magmatiques au nord de cette diagonale, et des roches sédimentaires en-dessous. Les deux parties comprennent également des roches métamorphiques telles que le micaschiste et le gneiss au nord et nord-ouest, ainsi que quelques gisements de marbre au sud.

En ce qui concerne les diffèrent massifs karstiques, ils se situe pour une grande partie au sud du département, mais en retrouvons aussi sur la bordure nord-est du Rhône. Les principaux massifs karstique du département sont ceux :

Un autre massif karstique plus discrets existent. Il est situer au nord et parallèle à la ceinture méridional. Il s’agit de la ceinture triasique. Elle s’étant de la bordure Cévenol à l’ouest jusqu’à la bordure du Coiron à l’est du département. Nous allons s’intéresser à une seul partie de cette ceinture qui englobe un important système karstique. Sont nom, le "karst couvert de Brison".


Qu’est ce qu’un karst couvert ?

Le paysage karstique du karst couvert se distingue principalement par l'absence de surface rocheuse exposée en surface composée de roches solubles telles que le calcaire ou la dolomie. En lieu et place, une couverture végétale ou de couches de sol recouvre la roche soluble. Cette caractéristique peut rendre l'identification et l'étude de ces paysages plus complexes, car les traits géomorphologiques typiques des karsts, tels que les dolines et les grottes, sont souvent invisibles en surface mais présents dans les affleurements calcaires dissimulés dans la végétation et les ruisseaux.

Géomorphologie du massif de Brison, exceptionnelle.

Les spéléologues ont généralement l'habitude de rencontrer diverses espèces de plantes en surface, telles que des chênes, des pins, des genévriers, des buissons, etc. Cependant, lorsqu'ils partent explorer les grottes ici, ils traversent principalement des châtaigniers. Pourquoi est-ce le cas ? Outre l'histoire locale de la culture de la châtaigne, cela s'explique principalement par la géologie du plateau vallonné de Brison, qui est constitué de plusieurs couches de roches et de sols différents viables, pour cette culture. Ces couches forme un karst couvert comprenant essentiellement cinq couches principales nommés « Hamburgers au Trias » (Rodier 2021) :

Bien entendu, les hauteurs et la disposition des couches peuvent varier en fonction des zones (par exemple, la couche de dolomie se situe à 8,5 mètres sous la surface au hameau du Puech, contre 132 mètres au hameau de l'Excourbis), en raison des différents événements sismiques et érosifs ayant affecté la région. Cette disposition nous amène à poser la question suivante.

Pourquoi la couche de Dolomie se retrouve entre deux couches de Grès ?

Il y a environ 300 millions d'années, à la fin l’époque géologique du Permien et au début du Trias, notre paysage actuel a commencé à se former. A cette époque notre village se trouver sous l’océan sur la croute océanique, relativement proche des cotes abrupte. Au sud-est se trouvait les grands volumes de l’océan néothétys et au nord les cotes abrupte du Massif Centrale (anciennement un morceau de la chaine hercynienne).

La formation du paysage s'est produite en trois temps :

Enfin, il y a 203 millions d’années, le paysages est complètement métamorphoser après cette séries d’évènement. Notre village est alors au bord de mers. Et a gagné quelques centaine de mètres par rapport au début des évènement.


Par la suite, il y a très longtemps, l'érosion du massif de Brison a commencé. Les cours d'eau aériens ont érodé la couche de grès imperméable en surface, ce qui a mis à jour la couche de dolomie composée essentiellement de carbonate de calcium et magnésium (Ca,Mg)CO3. Étant une roche karstique, cette dolomie est soluble au contact d'eau, ce qui provoque une réaction chimique due à l’action du CO2 (dioxyde de carbone) présent dans l'eau sur le (Ca,Mg)CO3 (dolomite). Et aussi mécanique par la charge de sédiments transporter lors des crues. 


Cela entraîne le creusement de cavités dans les différentes failles perméables traversant la strate de dolomie et les inter-strates de marne, d'argile ou de shale, qui s’effondrent une fois le vide crée par la dissolution en place. Les différents réseaux du secteur ont été creusés avec un régime d'écoulement libre nommé "Vadose".

Mais d’ou vient l’eau de la Source de Chamandre ?

Vous avez peut-être entendu parler de cette source située en bas du village, à la limite des communes de Vernon et Rosières. Certaines personnes consomment directement cette eau, mais vous êtes vous déjà demandé d'où vient-elle ? La source de Chamandre est la plus importante du secteur Baume-Drobie, avec un débit annuel de l'équivalent de 753 millions de litres d'eau, soit 2 millions de litres par jour. Elle s'ouvre sous le pont au niveau d'un affleurement de roche dolomitique.


La source est connue depuis la nuit des temps et était utilisée par les habitants et seigneurs du Comté au Moyen Âge pour la culture et la consommation. À cette époque, on peut imaginer rentrer à l'intérieur de la source sur une petite centaines de mètres, mais plusieurs événements (crues, effondrements…) auraient perturbé et changé la morphologie de la source. La création d’une chute d’eau pour le moulin de Chamandre a aussi joué un rôle dans l’ensablement de la galerie, par le fait que le seuil de déversement de la source est passé de libre à plus de 8 mètres de haut.


En 1953, des explorations spéléologiques à la grotte Pézenas ont permis de confirmer par coloration, que les eaux du ruisseau aérien de Pézenas, qui s'engagent sous terre, ressurgissent à la source de Chamandre après avoir parcouru plus de 8 kilomètres sous terre !


En 1985, les spéléologues du C.S.Joyeuse ont  réussi à accéder à l’intérieur de la source après diverses opérations de pompage des eaux. 1500 mètres de conduits à taille variée sont alors parcourus. Quelques temps plus tard, la jonction de la grotte de Rochepierre à la source de Chamandre est réalisée par le G.S.E de Givors. Le développement passe à 2976 mètres.


En 2019, une reprise d'exploration par le S.C.Aubenas a permis d'ajouter du développement, portant la longueur à 4120 mètres. En 2022, le C.S.Joyeuse a réussi à connecter une nouvelle entrée au réseau de Chamandre, portant la longueur à plus de 5 kilomètres.


Malgré tous les travaux de recherches et explorations depuis plus de 40 ans, la jonction entre l’aval de la grotte de Pézenas et la source de Chamandre n’est toujours pas réalisé. En raison du faible dénivelé entre le terminus de la grotte de Pézenas et la source de Chamandre qui a sûrement contribué au remplissage des conduits par du sables.(J.ARNAUD 2022).


En conclusion, l'eau de la source de Chamandre est le fruit de la collecte des eaux du bassin versant de Brison, dont les cours d'eau principaux qui fournissent l'eau sont issus des ruisseaux de Rochepierre, Blajoux et Pézenas.  

Un labyrinthe sous l’église :

L’autre réseau majeur de la commune de Vernon est l’Abéouradou. Il s'étend sur plus de 3 kilomètres et se compose de deux réseaux hydriques distincts chacun, avec deux entrées principales (une perte et une résurgence). La perte recueille les eaux du ruisseau de l'Abéouradou et les conduisent sous terre sur une courte distance avant de les restituer par des sources diffusent en aval. La résurgence, elle se trouve sous la cascade du ruisseau du Riou et est le point de sortie pour les eaux issues de plusieurs pertes inconnue en amont du ruisseau de Rochepierre. Les spéléologues peuvent remonter une longue galerie depuis la résurgence jusqu'à sous le hameau de la Devèze, mais la cavité devient ensuite inaccessible. Les deux réseaux sont reliés par un labyrinthe de galeries fossiles situé à une centaine de mètres de profondeur sous l'église. Comme toutes les cavités de la région de Vernon/Sanilhac, l'Abéouradou abrite une grande variété d'espèces de concrétions extrêmement fragiles, propres au secteur, tels que des buissons d'aragonite, des boxworks... Il y a également des espèces cavernicoles vivantes présente dans le réseau, telles que le Niphargus (petit crustacé de la famille des Niphargidae) et le Rhinolophus hipposideros (petit mammifère de la famille des Rhinolophidae).

Un lac souterrain ? 

Il est difficile de répondre à cette question avec certitude pour le moment, mais il y a des éléments qui étayent cette légende plausible. Par exemple, il est connu que l'ancienne filature avait aménagé une galerie pour capter l'eau souterraine supposée provenir d’un lac (galerie qui s'est effondré depuis). En outre, la carte géologique de la région indique que nous sommes sur une couche géologique du Trias médian (t2), où 98% des entrées de cavités du secteur s'ouvrent (comme la source de Chamandre, la grotte et les pertes de Rochepierre, la grotte de Pézenas, etc.). 

En 1986, le BRGM (Bureau de recherche géologique et minières) a réalisé un carottage à proximité de la zone du lac dans le but d'étudier la stratigraphie du sol, ce qui a confirmé la présence d'une strate de calcaire dolomitique peu profonde de 8,60 mètres de hauteur. Quelques années plus tard, des forages privés ont été réalisés dans la zone estimée du lac, et la particularité est qu'ils butent tous sur un vide à la même profondeur que la strate calcaire ! Le mystère reste entier, mais il se dénoue petit à petit...